Le bol de grenade
Il était une fois deux frères qui s'adoraient : Nour et Chams. Ils étaient les fils d'un vizir et ils étaient tous les deux d'une beauté prodigieuse.
Peut-être pour garder leur capital beauté dans la famille, ils décidèrent de marier leurs futurs enfants si Dieu leur donnait une fille et un garçon. Tous deux étaient ravis de leur projet jusqu'à ce que Chams demande une dot beaucoup trop élevée pour que sa fille accepte d' épouser le fils de Nour. Nour se sentit humilié par la demande de son frère qui lui rappela qu'il était l'aîné et qu'à ce titre, il lui était supérieur et que c'était pour cela que son fils devait apporter, selon lui, une dot bien supérieure à la normale. Il quitta l’Égypte et partit en Irak dans la ville de Bassorah.
A peine arrivé dans la ville, il fut repéré par un vizir qui cherchait à marier sa fille. Devant la beauté et la prestance de Nour, il lui demanda de prendre la main de sa fille. Nour accepta et aussitôt, la noce eu lieu.
De son côté, après avoir longtemps cherché son frère pour se réconcilier avec lui, Chams se maria avec la fille d'un riche marchand du Caire.
Carte extraite du site culture crunch
Le destin voulut que, sans le savoir, les deux frères se marièrent le même jour et eurent un enfant le même jour également. Ainsi naquit un garçon nommé Badr (le fils de Nour) et une fille nommée Sett-el-Hosn (la fille de Chams), tous deux dotés d'une grande beauté et d'une grande intelligence. Le sultan prit Nour pour succéder à son vieux vizir. Nour devint riche et puissant et il eut une belle vie. Au seuil de sa vie, Nour fit venir son fils et lui expliqua qu'il a un frère qu'il aurait aimé revoir avant de mourir. Nour confia à Badr un papier à l'attention de son frère et il lui demanda de le coudre dans la doublure de son turban. Badr fut tellement affecté par la mort de son père qu'il oublia d'aller au palais servir le Sultan. Ce dernier lui en tint rigueur et demanda sa mort.
Badr eu juste le temps de s'enfuir. Il alla dormir sur la tombe de son père. C'est là que deux génies le portèrent dans son sommeil et l'emmenèrent au Caire où Sett-el-Hosn s’apprêtait à se marier à un affreux palefrenier bossu. Le sultan, en effet, avait demandé la main de la fille de Chams pour son fils et Chams avait refusé car il pensait toujours la marier avec le fils de son frère. Le sultan, furieux, avait alors exigé le mariage de Sett-el-Hosn avec un bossu.
Badr arriva parmi un attroupement de personnes qui maudissaient le mariage d'une très belle fille avec un homme laid. Voyant le magnifique Badr, les gens chassèrent le bossu et firent entrer le fils de Nour auprès de la fille de Chams dans la chambre nuptiale.
Le fils de Nour devint, dés lors, l'époux de la fille de Chams et lui fit un enfant. Mais avant le lever du jour, les deux génies vinrent reprendre Badr pour le ramener à Bassorah. Cependant, comme le jour se levait, les deux génies déposèrent Badr à Damas en Syrie car ils ne pouvaient pas se montrer à la clarté du jour.
Badr se retrouva donc en Syrie sans ses habits d’apparat que les génies n'avaient pas pris soin d'emporter. Son manteau rouge et or, sa bourse avec sa dot et son turban étaient restés auprès de son épouse au Caire. Badr dut recommencer sa vie à partir de rien et il devint pâtissier à Damas.
Pendant ce temps, Sett-el-Hosn expliqua à son père que le bossu avait été chassé et qu'elle avait été mariée à un homme emmené par sa propre gouvernante dans sa chambre. Elle lui dit que son mari mystérieux avait laissé ses habits dans sa chambre.
Dans le turban que Badr avait laissé auprès de son épouse, Chams découvrit un mot qui expliquait que le mari de sa fille était son neveu. En lisant le mot, Chams compris que Nour, dont il venait d'apprendre la mort, l'avait pardonné avant de mourir et il en fut profondément heureux et soulagé. Neuf mois plus tard, Sett-el-Hosn mit au monde le fils de Badr que son grand-père appela Aguib.
Aguib et sa famille paternelle et maternelle partirent à la recherche de Badr, son père qui n'avait passé qu'une seule nuit avec sa mère. Dans leur recherche, Aguib et son esclave arrivèrent à Damas dans une foule qui se pressaient autour d'eux, tant la beauté d'Aguib les attiraient. Il passèrent, par chance, devant l'échoppe de Badr, son père. Père et fils ne se connaissaient pas. Badr offrit à son enfant un bol de grenade épicé à souhait et délicieux.
De retour auprès de sa grand-mère, Aguib se vit encore proposé un bol de grenade qu'elle venait de lui préparer. Mais sa grenade était moins bonne que celle de Badr car la grand-mère n'était pas dans son pays et ne connaissait pas les bonnes échoppes. Vexée, la grand-mère voulut goûter le bol de grenade de Badr. Elle reconnut aussitôt la recette familiale et comprit que celui qui avait préparé ce mets était Badr, son fils ! Badr fut renvoyé au Caire par des gardes de la ville et fut directement conduit dans la chambre de Sett-el-Hosn qui l'acceuillit avec bonheur.
C'est ainsi que la volonté de Nour et Chams fut enfin accomplie ! Voici un beau conte que je ne connaissais pas. Merci à Shahrazade pour ce moment d'émerveillement !
Image extraite du site Freepick